Mercredi, mars 12, 2025

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L’amendement sur l’écoblanchiment, introduit dans la Loi sur la concurrence via le projet de loi C-59 en juin 2024, continue de susciter de vives controverses dans le milieu des affaires canadien. Cette mesure, censée protéger les consommateurs contre les fausses allégations environnementales, impose désormais aux entreprises de prouver leurs affirmations écologiques selon une « méthodologie internationalement reconnue » – une exigence dont la définition reste floue et qui pourrait étouffer l’innovation entrepreneuriale.

Un amendement controversé adopté à la hâte

L’amendement anti-écoblanchiment a été introduit le 30 avril 2024 par le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, dans les dernières étapes du projet de loi C-59. Selon un rapport récent de l’Institut Macdonald-Laurier, cette modification législative a été adoptée « pratiquement sans débat, sans possibilité de consultation avec les parties prenantes et sans discussion approfondie dans le cadre normal de la procédure parlementaire ».

Cette précipitation législative soulève des questions sur la qualité du processus démocratique. Est-ce vraiment ainsi qu’on devrait adopter des mesures qui transforment radicalement l’environnement réglementaire des entreprises canadiennes?

« L’amendement est si défectueux, et son inclusion dans la loi sur la concurrence si aberrante, que notre recommandation est qu’il soit abrogé », concluent Sonya Savage et Heather Exner-Pirot, auteures du rapport de l’Institut Macdonald-Laurier.

Des dispositions punitives aux conséquences lourdes

L’amendement impose plusieurs dispositions problématiques qui méritent notre attention:

  • Une inversion du fardeau de la preuve, obligeant les entreprises à prouver leurs allégations environnementales selon des méthodologies non définies
  • Des amendes pouvant atteindre 10 millions de dollars pour une première infraction, ou 3% des revenus mondiaux bruts annuels
  • L’introduction d’un « droit d’action privé » permettant aux activistes environnementaux de déposer des plaintes directement

Pour une grande entreprise pétrolière – cible évidente de l’amendement – ces amendes pourraient dépasser le milliard de dollars. N’est-ce pas disproportionné, surtout quand on considère l’ambiguïté des standards exigés?

Un effet paralysant sur la communication environnementale

L’impact de cette législation s’est fait sentir immédiatement. De nombreuses entreprises canadiennes ont retiré leurs communications environnementales par crainte de poursuites.

« Si vous retirez tout ou même mettez un avertissement, qu’est-ce que cela dit sur le type d’informations que vous mettiez en ligne jusqu’à présent? », a déclaré le député libéral Patrick Weiler, l’un des architectes de l’amendement.

Mais cette vision ne tient pas compte de la réalité des entreprises qui doivent naviguer dans un environnement réglementaire incertain. Comme l’a souligné Suncor, l’une des plus grandes entreprises de sables bitumineux du Canada, la clause est « vague, excessive et sans précédent à l’échelle mondiale ».

Une alliance politique inhabituelle

Fait intéressant, cet amendement résulte d’une collaboration entre trois députés de partis différents: le libéral Patrick Weiler, le néo-démocrate Don Davies et le bloquiste Gabriel Ste-Marie.

« Fondamentalement, un accord violent a éclaté entre le NPD, les libéraux et le Bloc », a déclaré Davies.

Les députés conservateurs ont voté en faveur d’un ensemble d’amendements qui incluait ces dispositions anti-écoblanchiment, bien que le Parti conservateur se soit opposé au projet de loi dans son ensemble parce qu’il n’éliminait pas la taxe fédérale sur le carbone.

Des conséquences économiques préoccupantes

Le Bureau de la concurrence du Canada a publié des lignes directrices préliminaires le 23 décembre 2024 pour clarifier les attentes relatives aux nouvelles dispositions anti-écoblanchiment. Mais ces lignes directrices n’ont pas force de loi et laissent aux tribunaux le soin d’interpréter le langage de la Loi sur la concurrence.

Cette incertitude juridique pourrait-elle freiner l’innovation et la compétitivité des entreprises canadiennes sur la scène internationale? La question mérite d’être posée, surtout quand on sait que les entreprises doivent déjà se conformer à de nombreuses réglementations environnementales.

« Ces amendements créent une incertitude substantielle, des risques et une responsabilité potentielle pour les entreprises, ce qui pourrait compromettre les initiatives environnementales des sociétés canadiennes », note un bulletin du cabinet d’avocats Blakes.

Une approche différente ailleurs dans le monde

Il est important de comparer l’approche canadienne avec celle d’autres juridictions. Le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Union européenne et l’Australie ont tous des réglementations contre l’écoblanchiment, mais aucune n’impose un renversement du fardeau de la preuve aussi draconien que celui du Canada.

Cette surréglementation canadienne risque-t-elle de désavantager nos entreprises face à la concurrence internationale? Dans un contexte économique déjà difficile, est-il judicieux d’imposer des contraintes supplémentaires aux entreprises qui tentent de se positionner comme écologiquement responsables?

Vers une solution plus équilibrée?

Si la lutte contre les fausses allégations environnementales est un objectif louable, la méthode choisie par le gouvernement fédéral soulève de sérieuses questions. Une approche plus équilibrée, qui encouragerait la transparence sans paralyser l’innovation, ne serait-elle pas préférable?

Comme le souligne le rapport de l’Institut Macdonald-Laurier, « l’amendement est si défectueux, et son inclusion dans la loi sur la concurrence si aberrante, que la recommandation des auteurs est qu’il soit abrogé ».

Dans un monde où la compétitivité économique est essentielle à la prospérité, le Canada peut-il se permettre d’handicaper ses entreprises avec des réglementations mal conçues et adoptées de façon précipitées? La question reste ouverte, mais malheureusement les conséquences de cet amendement controversé se font déjà sentir dans l’économie canadienne.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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