Lors d’une entrevue exclusive avec Ian Sénéchal et Frank Le Dédômiseur, Patrice Dutil, auteur et professeur de science politique à l’Université Ryerson, a abordé en profondeur la controverse entourant la décision de la Ville de Montréal de retirer la statue de Sir John A. Macdonald. Se basant sur son article intitulé Woke Captive, publié dans The Dorchester Review (Été 2024), Dutil a offert une critique acerbe de ce qu’il appelle une gestion administrative « woke » et un révisionnisme historique injustifié.
Un processus controversé
Selon Dutil, le retrait de la statue n’était pas simplement une réponse à des préoccupations historiques légitimes, mais « une décision précipitée dictée par des impératifs idéologiques. » L’auteur dénonce le manque de consultation publique et l’influence excessive de comités qu’il qualifie de mal informés. « Le rapport de la Ville de Montréal sur Sir John A. Macdonald est trompeur et mal renseigné, et certaines parties sont complètement fausses », affirme-t-il, pointant du doigt des conclusions basées sur des lectures superficielles d’ouvrages secondaires.
Pour Dutil, cette décision s’inscrit dans une tendance à effacer des figures historiques sous le prétexte d’apaiser des tensions contemporaines. « C’était une réponse de panique face à des événements récents, comme les révélations sur les pensionnats autochtones et les mouvements sociaux tels que Black Lives Matter », explique-t-il.
Une vision tronquée de Macdonald
Dutil critique également la caricature de Macdonald dans le discours public. Il souligne que la Ville a sciemment ignoré des aspects importants de l’héritage de Macdonald, notamment son rôle dans la Confédération et son influence sur le développement du Québec. « Penser à Macdonald comme un impérialiste ou un génocidaire revient à ignorer des pans entiers de son histoire et de ses accomplissements, » insiste Dutil. Il note, par exemple, que Macdonald était en réalité plus populaire au Québec qu’en Ontario durant son mandat, en partie grâce à ses alliances avec des figures francophones comme Hector Langevin.
Une gestion municipale au service d’une idéologie
L’un des points centraux soulevés par Dutil est le caractère arbitraire du processus décisionnel. Il critique notamment la composition du comité consultatif chargé de statuer sur le sort de la statue. « Tous ces gens étaient bien intentionnés, mais ils n’étaient pas les bons pour juger de l’importance historique de Macdonald, » déclare-t-il, soulignant le manque d’expertise de plusieurs membres sur les monuments ou l’histoire canadienne.
Dutil voit dans cette affaire un symptôme d’un malaise plus profond dans la gestion publique. « Ce genre de décision témoigne d’une gestion administrative qui privilégie des impératifs idéologiques au détriment d’une approche équilibrée et informée », affirme-t-il. Pour lui, ce type de révisionnisme risque d’aliéner une partie de la population et de semer des divisions inutiles.
Un symbole d’un Canada en mutation
En conclusion, Patrice Dutil insiste sur le besoin de préserver une approche nuancée de l’histoire canadienne, en tenant compte des contextes et des complexités. « Le piédestal vide qui reste à Montréal n’est qu’une coquille creuse – un symbole criant d’un Canada moderne en quête de son identité, mais souvent au prix de sa mémoire collective, » déclare-t-il dans son article.
À travers cette entrevue, Dutil a offert une perspective précieuse sur les enjeux entourant la gestion municipale et la mémoire historique, une conversation essentielle dans un Canada en pleine introspection.