J’habite à Lévis. Je traverse le fleuve trois fois par semaine, minimum. Je le vis, dans mon temps perdu, dans mon gaz brûlé, dans mes nerfs testés à chaque embouteillage. Le réseau autoroutier de la Rive-Sud est à bout de souffle. L’autoroute 20, censée être un axe majeur, est encore à deux voies dans plusieurs tronçons critiques. À l’entrée de Taniata, du chemin des Îles, ça se pile dessus, ça se tasse, ça se taponne. Ensuite, viens me dire qu’on n’a pas de problème de congestion.
Le pont Laporte est le seul lien fonctionnel pour le transport lourd. Le seul. Le pont de Québec est rendu une œuvre patrimoniale fragile qui se ferme à la moindre secousse. Le traversier? Un service aussi fiable qu’un moteur diesel qui pisse l’huile : souvent brisé, souvent annulé.
On parle d’une région métropolitaine avec deux seuls liens vieillissants, qui souffrent déjà d’un achalandage important, et qui n’a aucune voie de contournement. Aucune.
Et là, les bien-pensants débarquent, souvent de Montréal, souvent sans jamais avoir mis les pieds ici sauf pour visiter les chutes Montmorency et le Vieux-Québec. Eux, ils nous disent qu’il n’y a pas de problème. Qu’on devrait « investir dans le transport en commun ». Que le trafic « induit » va s’évaporer comme par magie si on met un tramway. Ces gens-là vivent dans une ville où tu peux marcher 10 minutes pour trouver un café, un cégep, un CHUM et une bouche de métro. Ici, en banlieue et en région, c’est autre chose. Les familles, les PME, les travailleurs autonomes, les chantiers, les agriculteurs, les professionnels : tout le monde roule. Littéralement.
Et justement, parlons-en du « transport structurant » qu’ils nous pitchent à longueur de journée : le tramway. Si la majorité des gens de Québec en voulaient un, puis qu’ils étaient prêts à le payer, fine. Faites-le, financez-le localement, pas de problème. Mais la vérité, c’est que la majorité ne veut rien savoir de cette cochonnerie-là. Parce qu’ils savent que ça ne réglera rien. Parce que les gens n’ont pas tous le luxe d’habiter à 300 mètres de leur boulot ou de l’université. Parce qu’en dehors du centre-ville, la réalité, c’est la voiture. C’est la distance. C’est la famille. C’est la fucking vie, quoi!
Montréal est l’exemple parfait de l’échec de ces lubies. Ils ont leur REM, leurs lignes d’autobus, leurs aménagements « verts » partout. Résultat? La ville est plus congestionnée que jamais. Pis en plus, leur foutu REM ne fonctionne même pas. Il est constamment en panne. C’est ça, votre solution miracle?
Maintenant, oui, la CAQ vient d’annoncer le tracé retenu pour le troisième lien. Est-ce que c’est le meilleur tracé? Non. Je suis le premier à dire que c’est loin d’être l’idéal. Je comprends les critiques, même de certains opposants au projet, qui disent que ce tracé-là ne règle rien en matière de congestion. Et ils ont peut-être raison. Moi, je pense quand même que c’est mieux d’avoir un lien que de ne rien faire pantoute. Mais la solution la plus logique, la plus efficace, celle qui désengorgerait vraiment la région, c’est celle qu’a proposée Éric Duhaime : un lien à l’est, avec embranchement vers l’île d’Orléans, qui viendrait compléter la boucle. Une vraie solution d’avenir.
Mais évidemment, nos politiciens ont cette fâcheuse tendance à toujours écarter l’option logique et intelligente.
Cela dit, le seul parti au pouvoir ou susceptible d’y accéder, à court et moyen terme, qui semble prêt à construire quelque chose, c’est la CAQ. Et encore là, on n’est pas dupes. On y croira quand on le verra. Mais les autres partis, hormis le Parti Conservateur du Québec? Ils sont complètement déconnectés de notre réalité. Obsédés par leur tramway, refus obstiné de toute solution routière, déni complet de ce que vivent les gens d’ici. Pour eux, le troisième lien, c’est une hérésie. Mais leur tramway mal-aimé, ça, c’est leur Évangile.
Le troisième lien, c’est un projet d’infrastructure vital. Et pendant ce temps-là, les médias montréalais font leur travail de sabotage : ils décrient le coût, l’impact environnemental, le supposé manque de besoin, tout en fermant les yeux sur les ponts qu’on leur a construits chez eux, sans qu’ils aient à se battre. Sans même qu’ils se demandent si c’est le reste du Québec qui paie.
Parce qu’étrangement, quand c’est pour Montréal, y’a jamais de débat sur « le coût pour les contribuables ».
Le monde qui vit ici le sait.
Ceux qui commentent de l’extérieur ne voient qu’un chiffre et un narratif à défendre.
Mais la vérité, c’est que ce projet, c’est de l’infrastructure de base.
Ce n’est pas un luxe. C’est un minimum.
Et à ceux qui nous regardent de haut pour nous dire quoi penser, quoi faire, quoi prioriser : commencez donc par gérer vos propres cônes oranges. Ici, on vit la réalité. On n’a pas besoin de votre mépris en bonus.