Le puissant message d’un médecin juif


Vous trouverez ci-bas la série de tweets du Dr. Bibas transformée en texte pour favoriser la lecture.

DR. LIOR BIBAS | Je suis un Juif québécois et canadien de première génération, et en observant ma ville natale, Montréal, sombrer dans le chaos, avec la loi et l’ordre apparemment abandonnés pour apaiser des lâches masqués et haineux, je ressens l’urgence de partager mon point de vue.
À ceux qui tentent de comprendre la situation à Montréal et au Québec, voici mes réflexions.

La communauté juive de Montréal est, sans aucun doute, l’une des plus dynamiques et remarquables au monde. Nous avons tout : un réseau solidaire et uni, une riche diversité d’ethnies juives—ashkénazes, séfarades, mizrahis, éthiopiens, et autres—et un profond attachement à nos traditions et à nos valeurs.

Notre communauté bénéficie d’écoles juives et de camps exceptionnels qui renforcent un lien profond avec notre identité. La plupart des Juifs vivent à proximité les uns des autres, élevant leurs enfants dans un environnement chaleureux, inclusif, et fièrement juif. Nous embrassons majoritairement le sionisme, c’est-à-dire le droit du peuple juif à l’autodétermination dans sa patrie ancestrale. Une souveraineté juive.

Nous aspirons également à la paix entre Israël et tous ses voisins. Ne vous laissez donc pas tromper par les voix antisionistes isolées que les médias pourraient mettre en avant : elles ne nous représentent pas et ne peuvent pas parler en notre nom.

Les Juifs sont présents au Québec depuis le XVIIIe siècle, contribuant immensément à la société—en médecine, en sciences, en politique, dans les arts, et bien plus encore. Si vous souhaitez en savoir plus sur ces contributions, je vous invite à explorer ce site qui met en lumière l’histoire riche de la communauté juive du Québec : juifsdici.ca.

L’histoire du Québec ajoute des couches uniques à notre identité. Le Québec est une nation dans un pays—une société francophone avec sa propre culture distincte. Historiquement, et probablement à cause du rejet des premiers immigrants juifs par l’Église catholique francophone, la communauté juive de Montréal est majoritairement anglophone. Cependant, aujourd’hui, de nombreux Juifs, moi y compris, sont pleinement bilingues, passant souvent d’une langue à l’autre avec aisance.

Cette capacité à naviguer entre les langues et les cultures est un privilège qui enrichit nos vies. En tant que Juifs, nous comprenons profondément que la langue n’est pas seulement un mode de communication ; c’est un pont vers le passé et une porte d’entrée vers la culture, l’identité et l’appartenance à un peuple.

En tant que médecin, j’ai appris à quel point notre histoire est profondément liée à la résilience. Par exemple, en réponse aux quotas discriminatoires limitant les étudiants juifs à l’Université McGill, la communauté juive a fondé l’Hôpital général juif le 8 octobre 1934, un symbole durable d’autonomie et d’excellence.

Ces dernières années, cependant, l’antisémitisme est revenu, bien avant le 7 octobre. Depuis des années, j’affirme que je ne voudrais pas que mes enfants fréquentent l’Université Concordia—elle est depuis longtemps un foyer d’hostilité et d’intolérance envers les Juifs. Ce que nous voyons maintenant n’est pas nouveau ; c’est simplement pire, et nous sommes à un point de non-retour.

McGill, autrefois un refuge pour les étudiants juifs malgré ses quotas anti-juifs tristement au milieu du XXe siècle, est désormais sur une trajectoire préoccupante. Fait intéressant, de nombreuses universités francophones du Québec sont relativement calmes en comparaison. Ma théorie ? Peut-être que le nationalisme québécois, qui contraste avec le multiculturalisme canadien, ou la priorité accordée à la langue française, protège ces institutions des excès des politiques « woke » ou radicales en matière d’équité, diversité et inclusion (EDI). Ce n’est qu’une hypothèse, mais la différence entre McGill/Concordia et des institutions comme l’Université de Montréal, mon alma mater, est frappante—à l’exception de l’UQAM, qui est une autre histoire.

Pour ce qui est de l’antisémitisme à Montréal, tout a changé pour nous le 8 octobre 2023, le lendemain. Encore sous le choc des atrocités du 7 octobre, nous avons vu des gens célébrer, distribuer des bonbons et glorifier la soi-disant « résistance » du Hamas. Et cela n’a pas cessé depuis.

Sous le prétexte d’un « cessez-le-feu » (lisez : la délégitimation, l’effacement et la destruction du seul État juif au monde), ces manifestants, associés à l’indifférence et à la complaisance des dirigeants municipaux, ont plongé notre ville dans le chaos et l’embarras international.

Depuis, des balles ont été tirées sur nos écoles, des cocktails Molotov lancés sur nos synagogues, la sécurité et la présence policière dans les quartiers juifs ont dû être renforcées, et un service communautaire de sécurité bénévole s’est élargi par nécessité. Les événements communautaires sont désormais la cible de protestations, les étudiants juifs sont ostracisés par leurs pairs, et un campement insalubre et odieux a perduré pendant des mois.

Si cette inaction persiste, la situation ne fera qu’empirer. Ce qui s’est passé à Amsterdam—un pogrom moderne—pourrait se produire ici, voire pire. Quelle sera la suite ? Faudra-t-il attendre la perte de vies juives pour qu’un véritable changement s’opère ? Mes parents, qui ont immigré dans ce pays, m’ont dit qu’ils n’auraient jamais choisi de s’installer ici si les choses étaient comme elles le sont aujourd’hui. Et, sur un plan profondément personnel, je ne peux plus imaginer mes enfants grandir et construire leur avenir ici. Je ne peux même pas imaginer qu’ils se sentent suffisamment en sécurité pour fréquenter une université dans cet environnement.

Enfin, soyons clairs : ceci n’est pas un appel à la victimisation. Bien que les Juifs aient traversé certaines des plus grandes tragédies de l’histoire, nous ne nous définissons pas comme des victimes.

Comme l’a si bien dit feu le Rabbin Lord Jonathan Sacks :
« Ne vous définissez jamais comme une victime. Vous ne pouvez pas changer votre passé, mais vous pouvez changer votre avenir. Il y a toujours un choix, et en exerçant la force de choisir, nous pouvons surmonter le destin. »

Montréal, Québec, Canada : il est temps de faire un choix.

Ce que nous avons vu vendredi dernier représente le point culminant d’une année marquée par le mépris de la loi, de l’ordre et de la sécurité de notre communauté. Bien que nous ayons reçu un soutien notable de la part de notre gouvernement provincial, l’indifférence flagrante et embarrassante du gouvernement fédéral demeure honteuse. Encore plus décevante est l’incompétence de notre administration municipale, qui semble incapable—ou désintéressée—de mettre fin au chaos, au vandalisme, à la destruction et à l’embarras qui ternissent notre ville.


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